On entend par superinfection par le VIH la coinfection par 2 souches virales distinctes à 2 moments différents dans l’histoire de la maladie. Si les cas d’infections simultanées par 2 souches virales distinctes ont été assez fréquemment décrits, la superinfection a longtemps été discutée. En effet l’hypothèse d’une immunité partielle mais suffisante pour prévenir une nouvelle infection a longtemps prévalu. Une superinfection avait pu être obtenue expérimentalement chez le chimpanzé, mais même dans ce cas la progression plus lente de l’infection suggérait une immunité partiellement efficace faisant suite à la primo-infection.
Une observation récente a prouvé qu’une superinfection était possible chez l’homme. Le cas est celui d’un patient de 38 ans ayant été primo-infecté en Novembre 1998 par un sous-type AE, prévalent sans le Sud-Est asiatique. Une quadrithérapie précoce avait entrainé une rémission virologique avec une charge virale à la limite du seuil de détectabilité pendant 28 mois pour un le sous-type AE. En Février 2002, après 3 mois d’interruption du traitement (toxicité hépatique) et un comportement à risque au cours d’un voyage au Brésil, le sujet a connu des variations brutales de sa charge virale (rebond/baisse transitoire/rebond) qui ont suggéré la possibilité d’une superinfection. L’analyse en PCR des souches de VIH1 a confirmé cette hypothèse. Le sous-type AE était retrouvé en faible quantité alors que le sous-type B endémique au Brésil était prédominant. Bien que le sujet contaminant n’ait pas pu être retrouvé, il est probable que le patient a été infecté secondairement par la souche B qui a accéléré la production de la maladie. De plus, durant la phase de superinfection, seuls les épitopes du sous-type AE étaient reconnus par les CD8 du patient, ce qui confirmerait l’absence d’immunité efficace contre la nouvelle souche. Une observation similaire à ce cas de double contamination sexuelle aurait été retrouvé en Thailande avec une contamination parentérale chez des toxicomanes.
Faisant suite à ces observations, on est en droit de se demander si elles ne remettent pas en cause les initiatives vaccinales actuelles qui ne permettraient pas d’être protégé contre les différents sous-types du VIH1. En fait, 2 éléments sont rassurants. Tout d’abord, on peut penser que si l’immunité faisant suite à la primo-infection ne s’est pas développée convenablement, cela est lié à l’instauration très précoce d’un traitement antirétroviral (diminution du contact antigénique). De plus, statistiquement la probabilité de superinfection avec une souche génétiquement très différente du virus initial est faible. Les programmes de vaccination conçus pour développer une immunité à l’intérieur d’un même sous-type phylogénétique endémique dans les zones concernées sont donc tout à fait licites.
Néanmoins, il conviendra à l’avenir en cas de coexistence de plusieurs souches virales chez le même individu de s’interroger sur la possibilité de superinfection. En effet, à l’inverse de ce que l’on observe lors de l’expérimentation animale, la superinfection peut être chez l’homme plus agressive que la primo-infection. Une raison supplémentaire pour les sujets séropositifs pour conserver un niveau de vigilance important par rapport au risque de contamination.


NEJM – 09/2002