Chaque année, plus d’1,5 million d’interventions orthopédiques sont réalisées aux Etats Unis. Elles portent essentiellement sur les hanches, les genoux et la colonne vertébrale et exposent à un risque non négligeable de complications cardiovasculaires. C’est ainsi qu’en postopératoire, une nécrose myocardique traduite par une simple élévation des taux de troponine ou un infarctus du myocarde caractérisé surviennent dans 1 % à 17 % des cas.
D’importants registres prospectifs ont montré que le pic d’élévation péri-opératoire de la troponine était corrélé avec la mortalité précoce, dans les 30 jours suivant l’intervention. En contraste, les conséquences à long terme de l’apparition d’une nécrose myocardique dans cette période sont encore incertaines.
C’est ce qui a conduit Oberweis et coll. à rechercher, dans une étude rétrospective, une association éventuelle entre l’élévation péri-opératoire du taux de troponine et la mortalité à long-terme chez 3 050 sujets consécutifs (âge moyen : 60,8 ans ; femmes : 59 %) qui avaient bénéficié d’une intervention sur les hanches, les genoux ou la colonne vertébrale.
La troponine avait été dosée en postopératoire chez 1 055 patients (34,6 %). Une nécrose myocardique est survenue dans 179 cas (59 %) et un infarctus du myocarde caractérisé dans 20 cas (0,7 %).
Le suivi moyen est de 3,0 ± 0,5 ans. Sur un suivi global de 9 015 patients-années, on a déploré 111 décès (3,6 %). La mortalité à long terme a été de 16,8 % en présence d’une nécrose myocardique et de 5,8 % quand le taux de troponine se situait dans les limites de la normale (p < 0,0001).Mais après ajustement multivarié, la simple élévation de la troponine en péri-opératoire (hazard ratio [HR] 2,33 ; intervalle de confiance [IC] 95 % [1,33 à 4,10]) et la survenue d’un infarctus du myocarde caractérisé (HR ajusté 3,51 ; IC95% [1,44 à 8,53]) étaient significativement associés à la mortalité à long-terme.
L’incidence d’une simple élévation de la troponine en péri-opératoire était significativement plus élevée chez les patients qui sont décédés au cours du suivi à long terme (27,0 % vs 5,0 % ; p < 0,0001). De même, l’incidence d’un infarctus du myocarde caractérisé était également significativement plus élevée chez les patients qui sont décédés au cours du suivi à long terme comparés aux patients qui ont survécu (6,3 % vs 0,4 % ; p <0,001).
Après exclusion des patients qui avaient une maladie coronaire et une altération de la fonction rénale, la nécrose myocardique est restée associée à la mortalité à long terme.
Une élévation en postopératoire de la troponine est fréquente après une intervention orthopédique et mérite d’être systématiquement recherchée, d’autant qu’elle est très souvent silencieuse cliniquement. Sur le long terme, l’élévation postopératoire de la troponine est associée de façon indépendante à la mortalité à 3 ans ; elle peut donc être utilisée pour identifier les patients à plus haut risque de voir survenir des événements et qui pourraient, de ce fait, bénéficier d’une prise en charge intensive de leurs facteurs de risque cardiovasculaire.
Référence
Oberweis BS et coll. : Relation of Perioperative Elevation of Troponin to Long-Term Mortality After Orthopedic Surgery. Am J Cardiol., 2015; 115: 1643-1648.