Au cours de la grossesse, la fonction thyroïdienne subit d’importantes modifications, notamment une augmentation de la production de T3 et T4 totales secondaires à l’hyperestrogénie. L’augmentation de l’HCG entraîne une réduction de la production de TSH, d’où lla nécessité de normes spécifiques des dosages thyroïdiens au cours de cette période de la vie génitale.

Parallèlement à cette augmentation de la secrétion d’hormones thyroïdienne, les besoins en iode augmentent.

L’hypothyroïdie est une situation relativement fréquente au cours de la grossesse : 2 % des femmes enceintes ont une TSH › 6 mU/l, 5 % sont porteuses d’anticorps antiperoxydase. Ceci est à mettre en rapport avec des antécédents d’hypothyroïdie, une thyroïdite méconnue ou une réactivation d’une thyroïdite du post-partum. Les études ont montré que l’hypothyroïdie infraclinique avec anticorps expose à un risque accru de pré-éclampsie (risque multiplié par 1,7), de mortalité périnatale (risque multiplié par 2,7), de fausse-couche (risque multiplié par 2), de prématurité (risque multiplié par 4) ou encore de thyroïdite du post-partum (risque multiplié par 11).

Les hormones thyroïdiennes jouent également un rôle important sur le développement cérébral et une T4 basse avant 12 semaines d’aménorrhée est à l’origine de désordres irréversibles chez le fœtus. Il faut donc agir tôt, car la propre thyroïde de l’enfant ne prend le relais qu’à partir de la 16e semaine d’aménorrhée.

Des études ont souligné que la prise en charge de l’hypothyroïdie chez la mère s’accompagne d’une augmentation du quotient intellectuel (QI) de l’enfant de 7 points en moyenne.

« L’étude de Lazarus (1) publiée l’an dernier n’a pas confirmé cet impact bénéfique sur le QI, sans doute parce que le bilan thyroïdien était effectué à la 12e semaine, et le traitement éventuel mis en route à la 13e semaine, soit trop tardivement », a rapporté le Dr Christina Jamin.

Un problème important en pratique quotidienne est celui de la carence iodée, première cause d’hypothyroïdie dans le monde. La TSH est normale, seule la T4 est basse, mais le diagnostic n’est pas aisé car les taux de T4 sont très variables en début de grossesse. Les états de carence modérée sont fréquents en France, états qui sont associés, lorsque l’excrétion urinaire iodée est ‹ 150 microg/jour, à un QI moindre et des troubles de l’apprentissage de la lecture. Un constat qui fait recommander la supplémentation systématique en iode des femmes enceintes (et mieux dès la période préconceptionnelle).

Quand doser le TSH?? Avant même la grossesse chez les femmes ayant un antécédent personnel ou familial connu de dysthyroïdie (d’où l’intérêt de la consultation prénatale), dès le début de la grossesse en cas de goitre, de dysthyroïdie, ou de carence iodée, qui touche quelque 75 % de la population. « 30 % des formes frustres ne sont pas diagnostiquées », a insisté le Dr Christian Jamin. Le dosage de la TSH doit être systématique avant toute procréation médicalement assistée. Chez une femme désireuse d’une grossesse, l’objectif de TSH doit être ‹ 2,5 mU/l.

Compte tenu des conséquences de l’hypothyroïdie sur le développement du fœtus, il est essentiel de dépister une éventuelle anomalie thyroïdienne en début de grossesse, idéalement avant même la conception afin d’améliorer le pronostic obstétrical et pédiatrique.

 

(1) Lazarus JH et al. N Engl J Med 2012;366:493-501. Le Quotidien du Médecin  du 18/11/2013