Les légumineuses sont de plus en plus présentes dans notre alimentation. Les régimes végétariens, végétaliens et vegan en ont fait un produit de consommation courante. Elles sont aussi utilisées dans les aliments industriels mais ne sont pas toujours parfaitement identifiées, car, parmi les légumineuses, seuls l’arachide, le lupin et le soja sont à déclaration obligatoire sur les étiquettes.
Les légumineuses possèdent de nombreuses qualités nutritionnelles. Source de protéines, elles contiennent une bonne proportion de lysine mais peu d’acides aminés soufrés ce qui en fait un accompagnement idéal des céréales riches en méthionine. Elles sont aussi une source de graisses insaturées, de vitamines (B1, B2, B3), de fer, zinc et magnésium, de fibres et leur index glycémique est bas. Elles sont en revanche pauvres en calcium. Elles contribuent à une agriculture durable car ne nécessitent pas d’engrais azotés et ont enfin l’avantage d’être économiques. Une ombre au tableau toutefois : elles ont aussi un potentiel allergénique.
Six grandes familles d’allergènes sont présentes dans les légumineuses : les cupines, les prolamines, les défensines, les oléosines, les profilines et les PR 10. Les deux premières notamment sont marqueurs de sévérité, stables à la chaleur et à la digestion.
Entre 2002 et 2019, 7 % des cas d’anaphylaxie signalées par les allergologues du réseau d’Allergo-Vigilance étaient dues à des légumineuses. Sur l’ensemble de la cohorte il s’agissait principalement du soja (37,5 %), du lupin (36 %) et des lentilles (10,7 %). La répartition variait toutefois selon l’âge, avec une prépondérance de l’allergie aux pois et/ou lentilles chez l’enfant de moins de 6 ans, alors qu’à partir de 6 ans apparaissait la prédominance des allergies au lupin et au soja, qui persiste à l’âge adulte. L’anaphylaxie aux légumineuses était associée à une allergie à l’arachide dans 40 % des cas pédiatriques et dans 9 % des cas chez les adultes. Elle était associée à une allergie à une autre légumineuse que l’arachide dans 34,7 % des cas.
Les données de l’European Anaphylaxis Registry, sur la période de 2007 à 2015, sont sensiblement les mêmes, plaçant les légumineuses au 3ème rang des allergènes végétaux, après l’arachide et les fruits à coque.
Toutefois peu d’études sont disponibles concernant les allergies croisées entre légumineuses. Une étude rétrospective réalisée à Nancy entre 2017 et 2022 sur 195 enfants allergiques à l’arachid montre que 64 % des enfants allergiques à l’arachide étaient sensibilisés à au moins 1 autre légumineuse. Dans près de 70 % des cas, il s’agissait d’une sensibilisation au fenugrec.
Réciproquement l’allergie aux légumineuses, elle était présente chez 30 % des enfants allergiques à l’arachide. De plus, 5 % de ces enfants présentaient une polyallergie aux légumineuses, dont 10 % seulement parmi les enfants sensibilisés au fenugrec ou au soja, mais environ 20 % de ceux sensibilisés aux lentilles, au pois ou au lupin. En revanche, s’il y a peu d’enfants allergiques au soja, tous avaient une anaphylaxie.
En complément de ces données, une étude récente consacrée à une autre légumineuse, le haricot Niébé appelé aussi « pois des vaches » ou haricot à œil noir a suscité de l"intérêt. Il s’agit d’une légumineuse de genre Vigna et consommé couramment en Afrique et au Portugal. L’étude porte sur 27 enfants, présentant une allergie aux légumineuses, les uns allergiques à l’arachide, les autres non. Il apparait que la majorité des enfants allergiques aux légumineuses « classiques » sont sensibilisés au haricot Niébé, et encore plus parmi les patients allergiques aussi à l’arachide. L’identification de la séquence des allergènes du haricot Niébé montre une forte homologie avec celle des autres légumineuses. Il apparaît aussi une inhibition des IgE arachides et pois par le Niébé ou le Niébé enrichi en vinicline, confirmant la réactivité croisée.
Ce constat n’est pas anodin, car trois autres légumineuses du genre Vigna, le haricot Mungo (improprement appelé « soja vert »), le haricot Azuki et le haricot Urd, très riches en protéines, arrivent progressivement dans nos assiettes et sont désormais aisément disponibles à la consommation.
Le risque de ces réactivités croisées auxquelles expose cette nouvelle famille de légumineuses est encore incertain. Les auteurs recommandent de proposer des tests de provocation orale aux patient suspects, pour statuer sur le réel risque allergique et d'ajouter des pricks correspondants "vigna" dans le panel des légumineuses L’allergo-vigilance est donc fortement recommandée en pratique. 


RÉF : Fanny Morel-Codreanu - Allergies aux légumineuses dont l’arachide : les liens. 18ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris. Du 25 au 28 avril 2023).