Lié à une moindre espérance de vie, le déficit de testostérone, ou hypogonadisme, demeure encore peu pris en charge en France. En cause, des réticences tenaces quant aux effets indésirables de la supplémentation, généralement peu fondés.
En Europe, 2% des hommes de plus de 40 ans souffriraient d’hypogonadisme (1), déficit hormonal lié à une moindre qualité de vie sexuelle (baisse de libido, dysfonction érectile), mais aussi à une fatigue chronique, à une diminution de la force musculaire, à de l’anxiété et des symptômes dépressifs. A l’échelle de la population française, 340 000 hommes pourraient ainsi être concernés. Or, seuls 20% de ces hypogonadiques potentiels, soit 70 000 hommes, sont actuellement traités.

Comment expliquer ce faible engouement pour le traitement de l’hypogonadisme ? Entre autres raisons, par une méconnaissance des critères diagnostiques. Une enquête menée par l’Association française d’urologie (AFU) révèle que 77% des urologues recourent encore aux valeurs de référence spécifiques de la tranche d’âge. Si cette pratique a longtemps été recommandée, elle ne l’est plus car elle écarte des sujets symptomatiques dont la prise en charge serait souhaitable.

Publiées en 2021, les recommandations de l’AFU et de la Société francophone de médecine sexuelle (SFMS) prônent désormais le recours, quel que soit l’âge, aux valeurs de référence de l’homme jeune, sur deux dosages successifs (le matin à jeun, un mois d’intervalle) (2). De même, les deux sociétés savantes conseillent un dosage de la testostérone libre ou de la testostérone biodisponible, plutôt que celui de la testostérone totale, peu fiable dans les groupes à risque.

Autre obstacle à la prise en charge, une réticence des patients, nombreux à confondre ce traitement avec les suppléments utilisés par les culturistes, ou à craindre des effets indésirables non avérés (chute de cheveux, pilosité accrue, comportements agressifs, etc...) Entre autres idées reçues, celle selon laquelle un antécédent de cancer de la prostate constituerait une contre-indication à ce traitement. De même, 10% pensent à tort que l’hypertrophie bénigne de la prostate est aussi une contre-indication.

Suivant les recommandations AFU/SFMS, le traitement à la testostérone est en effet à éviter chez les hommes atteints d’un cancer de la prostate évolutif. En revanche, il n’existe aucune contre-indication en cas d’hypertrophie bénigne de la prostate, ni chez les hommes atteints d’un cancer de la prostate sous surveillance active (donc non traité), ou après un an de rémission complète d’un cancer de la prostate localisé de risque faible ou intermédiaire. A contrario, Chez les patients atteints d’un cancer de la prostate, le déficit de testostérone est lié à une maladie plus agressive. 
En fait la principale contre-indication demeure la maladie cardio-vasculaire non contrôlée. Pour les patients hypogonadiques non concernés, il est probable qu'une supplémentation correctement proportionnée de testostérone puisse apporter une amélioration de la qualité de vie très appréciable.

Ref : Rapport de l'Association Française d'Urologie 117 éme Congrés annuel 22-25/11/23

1) Tajar A et al., Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 1er mai 2012
2) Burté C et al., Progrès en Urologie, juin 2021
3) Baillargeon J et al., JAMA, 10 juillet 2018
4) Cheetham TC et al., JAMA Internal Medicine, 1er avril 2017

 

Archives Actualités scientifiques