Le film québécois Starbuck, sorti en 2011, raconte l’histoire imaginaire d’un donneur de sperme qui découvre qu’il est le géniteur de plus de 500 enfants. Si dans ce film (et dans son remake français de 2013 Fonzy), l’histoire est appréhendée sur le ton de l’humour, la réalité est parfois bien plus dramatique. Il a en effet été récemment découvert qu’un homme porteur d’une mutation génétique qui augmente considérablement le risque de cancer avait donné naissance par dons de sperme à au moins 67 enfants à travers l’Europe, dont au moins dix ont d’ores et déjà développé un cancer pédiatrique.
L’affaire remonte à 2008. A l’époque, un citoyen danois non-identifié donne son sperme dans une banque privée. Le sperme de ce donneur va alors être disséminé à travers l’Europe et donner naissance à des enfants dans au moins huit pays. Le Danemark est en effet, depuis près de 20 ans maintenant, le principal exportateur de sperme en Europe et ce grâce à une législation très libérale (publicité autorisée, rémunération des donneurs, peu ou pas de limite au nombre de dons, nombreux critères de sélections pour les parents…). Les deux principales banques de sperme en Europe sont danoises et on estime que dans certains pays européens, 60 % des enfants sont issus de dons de sperme Danois).
Quinze ans plus tard en 2023, la banque de sperme dans laquelle le don a été effectué découvre qu’au moins deux enfants danois issus de ces dons sont atteints de cancers pédiatriques, l’un d’une leucémie et l’autre d’un lymphome hodgkinien. En réalisant l'analyse génétique du  sperme du donneur, le centre de fertilité découvre la terrible vérité : le donneur est atteint du syndrome de Li-Fraumeni, une maladie génétique rare qui augmente considérablement le risque de néoplasies (90 % des porteurs développent un cancer avant 60 ans). Ce syndrome est la résultante d’une mutation du gène TP53. Ce gène, qualifié de « gardien du génome », joue un rôle important dans l’apoptose et la destruction des tumeurs. 
Une onco-généticienne au CHU de Rouen et spécialiste du TP53, a mené l’enquête sur cette sinistre affaire et a présenté ses conclusions lors du congrès de la société européenne de génétique humaine samedi dernier. Au moins 67 enfants sont nés de ce donneur entre 2008 et 2015, dont 23 sont porteurs de la mutation génétique et dix ont déjà développé un cancer. Tous ces enfants vont devoir subir un  suivi médical lourd et stressant avec une IRM corps entier annuel, afin de détecter le plus précocement possible les cancers qu’ils ont de fortes chances de développer. 
Ce nombre de 67 enfants issus d’un même donneur est sans doute sous-estimé : toutes les cliniques de fertilités européennes contactés n’ont pas voulu répondre à ses questions et la banque de sperme danoise a refusé d’indiquer à qui elle avait exporté ce sperme. Par ailleurs, au moment où le don a été effectué, la législation danoise ne prévoyait aucune limite au nombre d’enfants qui pouvaient être issus d’un même don. Aujourd’hui, la limite est fixée à 75 ce qui reste considérable. Outre que cela favorise les cas de consanguinité, permettre qu’un grand nombre d’enfants ait le même géniteur crée un risque de dissémination artificielle d’une maladie génétique.
La banque de sperme danoise se dit profondément affectée par cette affaire  mais réfute avoir commis la moindre faute. Elle se justifie en disant que les donneurs de sperme subissent un examen médical approfondi, une analyse des antécédents familiaux et des tests pour détecter d’éventuelles maladies génétiques et infectieuses. Il est effectivement impossible de réduire tous les risques. Chaque être humain possède environ 20 000 gènes, et il est difficile de détecter des mutations pathogènes dans le patrimoine génétique d’une personne si l’on ne sait pas ce que l’on recherche.
Au vu de la libre circulation du sperme en Europe, il est probablement nécessaire d’instaurer une limite au nombre d’enfants issus d’un même donneur. En attendant, on peut conseiller aux personnes qui se tournent vers la PMA avec tiers donneur de rester fidèle au système français. En France, tout est  contrôlé et l’on sait que le sperme d’un donneur ne pourra être utilisé que dix fois. Problème supplémentaire: l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux lesbiennes en 2021 a provoqué une explosion de la demande et les délais d’attente pour bénéficier d’une insémination artificielle en France sont de plus en plus longs ce qui rend plus tentant le recours à des solutions alternatives, au risque d'un manque de contrôle des opérations et des risques induits pour la descendance.
Ref : JIM.fr  26/06/25