Le cancer de la vessie est peu évoqué dans l'actualité médicale comparé à d'autres (sein, colo-rectal, poumon, prostate...) alors qu'il s'agit du quatrième cancer le plus fréquent chez les hommes. En France 16 500 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Néanmoins, le dépistage systématique du cancer de la vessie dans la population générale ne serait pas pertinent en raison de l'incidence relativement faible de ce cancer.

On sait pourtant qu'une détection précoce des néoplasies vésicales permet de réduire les cas de cancer invasif de la vessie nécessitant une cystectomie radicale. A un stade précoce, la survie à cinq ans peut atteindre 90 %, mais chez 78 % des patients une récidive est observée, ce chiffre justifiant une surveillance renforcée, avec en particulier la réalisation de cystoscopies fréquentes (jusqu’à 4 fois par an pendant plusieurs années, voire à vie). Les tests actuellement utilisés pour le suivi de la récidive, cytologie urinaire ou cystoscopie, reposent sur l’analyse des cellules desquamantes de l’urothelium de la paroi vésicale, dont l’aspect permet de détecter les tumeurs de haut grade. Néanmoins, ce test dépend beaucoup des conditions de recueil, de l'opérateur et n’est pas très sensible pour la détection des tumeurs de bas grade. Or, il est très important de détecter précocement une récidive afin d’éviter le développement de formes plus graves.

L'alternative consiste en des tests biologiques non invasifs utilisant des biomarqueurs urinaires uniques. Il en existe déjà plusieurs avec des méthodes différentes telles que le dosage de la protéine de la matrice nucléaire 22 (NMP22 par dosage immunoenzymatique Alere ou NGS, BladderCheck) qui est le plus utilisé, le test UroVysion (FISH multicible à la recherche d’anomalies sur les chromosomes 3, 7 et 17), et le test ImmunoCyt/uCyt+ (qui utilise trois anticorps monoclonaux et l’immunocytochimie en fluorescence à la recherche d’une variante glycosylée de l’ACE et des mucines membranaires exprimées par les tumeurs vésicales). Ils ont obtenu l'agrément FDA (Food and Drug Administration) de l'Agence européenne des médicaments, et sont disponibles. Cependant, leur utilisation dans la pratique clinique de routine reste limitée en raison de performances discutées et de l'absence d'avantages cliniques démontrés. Il était donc nécessaire de mettre au point d’autres techniques non invasives de diagnostic et de suivi.

Le cancer de la vessie s'accompagne de modifications épigénétiques qui peuvent être recherchées à l'aide d'échantillons d'urine. La méthylation de l'ADN est un processus bien connu, avec des régions hyperméthylées et hypométhylées identifiées dans le cancer de la vessie. Parmi les gènes étudiés, PENK a été retenu comme un biomarqueur spécifique. Des études antérieures ont montré qu'un test de méthylation sur les urines pouvait détecter le cancer de la vessie chez les patients atteints d'hématurie avec une sensibilité et une spécificité élevées. Cependant, ces études étaient limitées, car elles ne portaient que sur des cohortes de petites tailles.

Une équipe de chercheurs coréens a évalué la performance du test de méthylation de l'ADN urinaire (méthylation PENK). Les objectifs étaient de déterminer sa sensibilité et sa spécificité, pour le cancer de la vessie de haut grade ou invasif et pour l’ensemble des cancers de la vessie tous grades confondus, et si les résultats étaient probants de comparer les résultats avec ceux d'un test de protéine NMP22 disponible dans le commerce ou ceux de la cytologie urinaire. Leurs résultats ont été publiés dans le JAMA Oncolology en janvier 2025.

Cette étude prospective multicentrique (10 sites) incluait plus de 1000 patients explorés pour hématurie durant 2 ans. La population cible était constituée de sujets de 40 ans et plus ayant bénéficié d’une cystoscopie dans les 3 mois suivant la découverte d’une hématurie micro- ou macroscopique. Les participants ont été évalués pour le cancer de la vessie à l'aide du test de méthylation PENK de l'ADN urinaire. Les personnes aux antécédents de cancer de la vessie ou urothélial supérieur, ou d'autres cancers et qui avaient reçu ou recevaient une chimiothérapie ou une immunothérapie, celles qui avaient été traitées pour un cancer de la prostate ou avaient besoin d'une biopsie de la prostate, ont été exclues.

Des échantillons d'urine (20 ml) pour le test de méthylation de l'ADN, un test NMP22 (Alere NMP22®, ou test NMP22® BladderChek®) ainsi que le test de cytologie de l'urine ont été obtenus avant la cystoscopie.

Parmi les 1249 participants inscrits dans les 10 sites d’étude, des résultats valides pour l’évaluation étaient disponibles pour 1099 (88,0 %). L'âge moyen des participants était de 65 (±10) ans, et 55,9 % d’entre eux étaient des hommes. Sur les 1099 participants, un cancer de la vessie a été détecté chez 219 sujets (19,9 %), dont 176 (80 %) étaient atteints d'un cancer de haut grade ou invasif, soit 16,0 % des 1099 patients.

Le test de méthylation de l'ADN urinaire a détecté le cancer de la vessie chez 89,2 % des 176 sujets atteints d'un cancer de haut grade ou invasif et chez 78% les 219 patients atteints d'un cancer de la vessie tous stades confondus. La spécificité était d'environ 88% avec une valeur prédictive positive du cancer de la vessie de haut grade ou invasif était de 61,3 % et la valeur prédictive négative était de 97,6 %. La sensibilité pour le cancer de la vessie de haut grade ou invasif est restée cohérente sur différents facteurs tels que l'âge, le sexe, le type d'hématurie et le statut de tabagisme.

Ces excellents résultats ont permis de comparer ce test avec le test NMP22 et la cytologie urinaire

Par rapport au NMP22 ou aux tests de cytologie urinaire, le test de méthylation de l'ADN urinaire a montré une sensibilité nettement plus élevée plus élevée dans la détection du cancer de la vessie de haut grade ou invasif et du cancer de la vessie tous stades confondus, puisqu'elle n'était que de 51,5% (haut grade) et 44,1% (tous stades confondus) pour le test NMP22 et 39,7 et 32,3 pour la cytologie urinaire. Même si la spécificité est légèrement inférieure, ce test pourrait améliorer grandement le diagnostic précoce et le suivi des patients.

Ref :Jeong IG, Yun SC, Ha HK, et al. Urinary DNA Methylation Test for Bladder Cancer Diagnosis. JAMA Oncol. 2025 Jan 30:e246160. doi: 10.1001/jamaoncol.2024.6160.JIM.fr

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