On trouve dans Gyneco on line, une revue très interéssante des données actuelles concernant l'impact de l'endométriose sur la fertilité naturelle et l'AMP : L’article de Barris ATA et Edgardo SOMIGLIANA, paru dans RBMO 2024, analyse les relations entre endométriose et infertilité, les conséquences encore discutées de l’endométriose sur la qualité ovocytaire et embryonnaire, les questions encore sans réponse sur la réceptivité endométriale de l’embryon, les indications de la chirurgie sur l’endométriose ou les traitements médicaux pouvant améliorer le pronostic de l’AMP.
L’endométriose est une affection inflammatoire chronique œstrogèno-dépendante responsable d’une fibrose et caractérisée par la présence de tissu endométriosique en dehors de l’utérus.
Ces localisations ectopiques peuvent être disséminées sur le péritoine, les ovaires, ou des organes extra-pelviens, de façon aléatoire.
De nombreuses classifications ont été proposées, mais pour les auteurs, le plus important est de déterminer les conséquences de l’endométriose tant sur le plan algique que sur la corrélation entre endométriose et fertilité.
Une des causes d’infertilité liée à une endométriose est liée à la pathologie tubaire ou péri-tubo-ovarienne, notamment les adhérences entraînant une dysfonction d’ordre « mécanique ».
L'une des principales questions est l’impact de l’endométriose sur le fonctionnement ovarien et une ovulation spontanée en dehors de lésions tubaires.
L’endométriose est probablement liée au reflux des cellules endométriales au niveau pelvien, ce qui dépend, a priori, d’une fonction ovulatoire présente ; l’endométriose est également probablement stimulée par les phénomènes de sécrétions œstrogéniques durant la phase folliculaire. De ce fait, une oligo anovulation ne contribue pas, a priori, à un phénomène d’infertilité chez des patientes présentant une endométriose.
Par ailleurs, de nombreux articles ont considéré que l’endométriose, particulièrement à localisation ovarienne, affecte « la qualité ovocytaire », terme assez vague dans ce contexte.
Pourtant, les études précédentes ont par ailleurs démontré que les ovocytes récupérés après induction d’ovulation chez des patientes présentant une endométriose et/ou des endométriomes, avaient un potentiel identique de fertilisation et que les blastocystes formés avaient un pourcentage d’euploïdie identique à des groupes contrôle.
Comme preuve supplémentaire, l’étude de MAGGIORE et al. (2015) avait montré des taux comparables de grossesses spontanées chez des patientes présentant un endométriome unilatéral, ce qui suggère l’absence d’effet négatif d’un endométriome sur la qualité ovocytaire in-vivo.
Qu’en est-il de l’indication de chirurgie de l’endométriome sur la fertilité? Dans les recommandations récentes, les indications chirurgicales sur les endométriomes sont indiquées en cas de volumineux endométriomes pouvant être cause de complications en cours de grossesse ou de phénomènes algiques importants.
La plupart des auteurs recommandent une abstention chirurgicale afin de ne pas affecter la « réserve ovarienne » (études de YILMAZ, 2019 – STEINER, 2017 – SOMIGLIANA, 2023).
L’implantation embryonnaire est-elle réduite en cas d’endométriose ? Il s’agit d’une donnée encore très controversée. Mais les études les plus récentes n’ont pas montré de différence significative en termes d’implantation de blastocystes euploïdes chez des patientes présentant une endométriose par rapport à un groupe contrôle. L’étude de PAFFANI et coll. (2024) avait montré, dans une méta-analyse, que l’implantation embryonnaire et les taux de grossesses à terme dans les protocoles de dons d’ovocytes n’étaient pas diminués chez des patientes présentant une endométriose par rapport à un groupe contrôle.
On peut donc considérer qu’en dehors des phénomènes d’adénomyose, l’endométriose ne semble pas avoir un impact aussi important sur la réceptivité de l’endomètre pour l’implantation embryonnaire.
Quel est l’impact des phénomènes inflammatoires liés à l’endométriose sur l’ovulation et la qualité ovocytaire (en l’absence de lésion tubaire ou péri-tubaire) ? En théorie, l’inflammation pelvienne liée à l’endométriose entraîne probablement une diminution de la fonction et de la mobilité des spermatozoïdes au niveau de la partie distale de la trompe, la fertilisation ou le développement dans les premiers stades de l’embryon. En revanche, il n’est pas évident que les localisations extra-génitales de l’endométriose, tels que péritoine pelvien, vessie, colon rectosigmoïde, affectent l’ovulation et la fertilité, en dehors du fait que la symptomatologie algique, notamment la dyspareunie, diminue la fréquence des rapports. Dans ces cas, il ne sera pas illogique de penser qu’un traitement médical ou chirurgical des lésions d’endométriose puissent restaurer ou améliorer la fertilité naturelle. En ce qui concerne les lésions d’endométriose péritonéale, selon les données de la bibliographie, il n’y a pas de preuve évidente que l’excision des lésion péritonéales d’endométriose ait un bénéfice sur la fertilité spontanée.
Selon l’analyse de BECKER et coll. (2022), l’indication d’une coelioscopie diagnostique qui, dans le même temps, pourrait traiter d’éventuelles lésions péritonéales, n’est pas recommandée et ce, dans la mesure où l’IRM pelvienne permet un diagnostic d’endométriose avec une spécificité/sensibilité notable. Dans ce même ordre d’idée, la plupart des auteurs ne retrouvent pas d’effets bénéfiques de traitements médicaux, censés réduire les phénomènes inflammatoires liés à l’endométriose, qu’il s’agisse de traitements par oestro-progestatifs ou analogues de la Lh-Rh.
De même, les traitements médicaux, même si les données sont contradictoires, ne semblent pas améliorer, dans un second temps, le traitement d’AMP, sauf à réduire, lorsqu’ils sont présents, les phénomènes douloureux.
Selon la plupart des auteurs, l’intérêt de la coelioscopie réside principalement dans les chirurgies tubaires ou de libération d’adhérences.
Les auteurs vont donc ainsi à contre-courant des opinions médicales largement répandues : En dehors de lésions tubaires ou d’adhérences péri-tubo-ovariennes liées à l’endométriose responsables de fertilité, il n’y a pas de corrélation évidente entre les grades d’atteinte de l’endométriose, qu’elle soit ovarienne, superficielle ou profonde, et des chances d’une conception naturelle. Pour les auteurs, il n’a pas été prouvé de parallélisme anatomoclinique entre le degré d’atteinte par l’endométriose (en dehors de lésions tubaires ou péri-tubo-ovariennes) et le pronostic de fertilité.
De même, les auteurs estiment qu’il est temps de reconsidérer la présence d’une endométriose comme un facteur de mauvais pronostic dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation de type FIV, tant en termes de qualité ovocytaire que de diminution de la réceptivité de l’endomètre à une implantation embryonnaire.
Ref : Endometriosis, staging, infertility and assisted reproductive technology : time for a rethink – B. ATA, E. SOMIGLIANA – RBMP volume 49 Issue 1 2024 – 103943