La méthode de choix pour rechercher une aneuploïdie fœtale (trisomie 21 par exemple) est le séquençage de l’ADN libre circulant (ADNc) obtenu par simple prise de sang des femmes enceintes. Cette méthode évite les techniques plus invasives, telles que l’amniocentèse. Les techniques de séquençage à haut débit utilisées sont les mêmes qu'en oncogénétique où elles ont permis de caractériser des mutations germinales lors du séquençage d’ADN tumoral. Les dépistages anté-nataux les utilisant exposent les patientes et les cliniciens à la découverte inopinée d'anomalies génétiques comparables.
Pour les femmes enceintes l’analyse de l’ADNc peut identifier des anomalies de nombre des chromosomes (aneuploïdies multiples) incompatibles avec un fœtus viable, alors que celui-ci est d’apparence normale à l’échographie et permettre une interruption médicale de grossesse.
Ces anomalies chromosomiques peuvent également révéler la présence d’un cancer maternel comme le montre l’étude de Turriff et al. Lors d’une grossesse typique, l’ADNc dérive du placenta (environ 10 %) et du système hématopoïétique de la femme enceinte (90 %). Si une tumeur est présente chez celle-ci, elle peut libérer de l’ADN dans le sang circulant qui sera détecté lors du test anténatal. L’incidence des cancers pendant la grossesse est de 1 pour 1000 individus. 
Turriff et al. ont mis en place l’étude IDENTIFY afin d’évaluer la fréquence du diagnostic avéré de cancer chez les femmes enceintes dont l’analyse de l’ADNc suggérait un cancer. Au total, 107 participantes sans antécédent de cancer, ont été incluses dans l’étude entre 2019 et 2023. Leur âge moyen était de 33 ans. Quatre-vingt-neuf participantes étaient toujours enceintes (moyenne de 22 semaines d’aménorrhée) et 18 étaient en post-partum au moment de l’étude.
L’analyse de l’ADNc dans le cadre du dépistage anténatal avait été réalisée dans des laboratoires privés avec des techniques différentes ; seul le compte-rendu (plus ou moins détaillé) était disponible, qui rapportait des résultats inattendus pour le séquençage de l’ADNc, pour lesquels un cancer maternel était un diagnostic possible.
Des bilans diagnostiques ont été réalisés chez les 107 participantes avec une IRM corps entier (sans injection de produit de contraste), des tests sanguins (comprenant, entre autres, des dosages des marqueurs tumoraux), une recherche de sang dans les selles et un séquençage large de l’ADNc. 
Près de la moitié des patientes (52/107 ; 48,6 %) avaient un cancer. L’IRM corps entier était l’examen le plus performant pour détecter un cancer occulte avec une sensibilité et une spécificité de, respectivement, 98 % et 88,5 %. Le diagnostic le plus fréquent était celui de lymphome (31/52 ; 59,6 % ; 20 lymphomes de Hodgkin et 11 lymphomes non-Hodgkiniens), suivi du diagnostic de cancer colo-rectal (9/52 ; 17,3 %) et de cancer du sein (4/52 ; 7,7 %). Les autres cancers diagnostiqués étaient des cholangiocarcinomes (2 patientes), un cancer du poumon non à petites cellules, un cancer du pancréas, un sarcome d’Ewing et un cancer du rein. 
Vingt-neuf des 52 femmes diagnostiquées avec un cancer (55,8 %) étaient asymptomatiques et 13 (25 %) présentaient des symptômes qui avaient été initialement attribués à la grossesse. Chez 10 patientes (19,2%), les symptômes n’avaient pas été identifiés ou lorsque des examens avaient été réalisés, les résultats étaient rassurants. 
Cinquante-cinq des 107 patientes (51,4 %) n’avaient pas de cancer. Quinze patientes avaient un séquençage large de l’ADNc et une recherche de cancer négatifs. Chez 30 participantes (30/107 ; 28 %), les anomalies génomiques étaient expliquées par des fibromes utérins (17/107 ; 15,9 %), un mosaïcisme placentaire (anomalies génomiques confinées au placenta ; 8/107 ; 7,5 %), une anomalie fœtale (3/107 ; 2,8 %) et une hématopoïèse clonale (2/107 ; 1,9 %). Chez 10 femmes, les anomalies détectées n’avaient pas d’explication. Dans ce cas, la décision a été de les suivre régulièrement pendant 5 ans. 
Concernant les anomalies génomiques, 49 patientes présentaient une association de gains et de pertes chromosomiques intéressant au moins trois chromosomes, dont 47 (95,9%) avaient un cancer. Des gains seuls (trisomies multiples) ou des pertes seules (une ou plusieurs monosomies) étaient détectés chez des patientes sans cancer, notamment en cas de fibromes utérins. 
Au total, la détection d’aneuploïdies dans le cadre du dépistage anténatal peut révéler un cancer occulte chez la femme enceinte. L’IRM corps entier est l’examen le plus pertinent (et sans risque) dans ce contexte pour confirmer ou non la présence d’un cancer. L’association de certaines anomalies chromosomiques est particulièrement évocatrice de néoplasie sous-jacente. La prise en charge des patientes après la détection de telles anomalies ne doit pas être retardée afin d’offrir les meilleures chances de survie à ces femmes jeunes. 

Ref : Turriff AE et al. Prenatal cfDNA sequencing and incidental detection of maternal cancer. N Engl J Med 2024;391:2123-32. DOI:10.1056/NEJMoa2401029 (JIM.fr)

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