La mesure des protéines totales est importante pour le diagnostic et le suivi de maladies rénales, cardiaques et métaboliques essentiellement. Elles peuvent schématiquement être classées en 5 types.
- Protéinurie glomérulaires : ce sont les plus fréquentes des protéinuries rénales. Elles sont liées à une augmentation de la perméabilité de la membrane basale glomérulaire entraînant le passage d'albumine (66 kDa, > 70%) de transferrine (80 kDa) et d'Ig (150 kDa), la sélectivité dépendant de l'importance des lésions. L'atteinte glomérulaire est le plus souvent observée dans le cadre de la néphropathie diabétique, post-HTA, les glomérulonéphrites auto-immunes, médicamenteuses, idiopathiques...
- Protéinuries tubulaires : Elles sont plus rares, souvent plus modérées (< 1g/j) et sont dues à un défaut de réabsorption tubulaire. Les principales causes sont toxiques (médicaments, métaux lourds), ischémiques, inflammatoire, congénitale (cystinose, maladie de Wilson, maladie de Lowe...) avec une albuminurie représentant souvent moins de 30% de la protéinurie constituée majoritairement de protéines de faible PM. A noter que dans certaines néphropathies avancées, on retrouve des protéinuries mixtes (la composante glomérulaire est néanmoins souvent prépondérante).
- Protéinuries de surcharge : Elles sont également constituées majoritairement de protéines de faible PM présentes en concentration trop importante dans la circulation sanguine pour être complétement réabsorbées au niveau du tubule proximal. C'est principalement le cas des protéinuries des dysglobulinémies avec présence de chaînes légères libres, qui peuvent être secondairement néphrotoxiques (tubulopathie myélomateuse). On peut en retrouver diverses formes dans d'autres circonstances en rapport avec la physiopathologie : Fuite de lysozyme en cas de LMMC, d'orosomucoide en cas de cancer bronchique, de myoglobine si rhabdomyolyse, d'Hb en cas d'hémolyse...
- Protéinuries post-rénales : Dues au passage de protéines plasmatiques ou lymphatiques dans le tractus uro-génital à l'occasion d'une inflammation ou d'un saignement (lithiase, tumeur)
- Protéinuries bénignes ou intermittentes : Elles sont causées par des conditions physiologiques particulières,en particulier hémodynamiques, sans lésions rénales. On peut les voir en cas de fièvre importante, convulsions, exercice intense, poussée hypertensive, insuffisance cardiaque...La situation la plus fréquente est la protéinurie orthostatique rencontrée chez 5% des adolescents lorsque les urines sont recueillies en position débout et disparaissant en cas de décubitus.
A noter que le dépistage est souvent effectuée avec des bandelettes urinaires. Cette technique dépiste essentiellement l'albumine (avec un seuil habituel de 0.2 g/l) mais est très peu sensible aux protéines de faible PM ce qui entraine des faux négatifs pour divers types de protéinurie. De plus la lecture est subjective et semi-quantitative, d'où un risque accru d'erreur ou d'imprécision. Le dosage de la protéinurie par technique automatisée doit donc être privilégié car plus sensible quantitativement (0.05 g/l) et qualitativement et beaucoup plus précise (CV < 5%). Les méthodes colorimétriques (rouge de pyrogallol) se fixent aux divers types de protéines sur leurs groupements amines (même si les Ig peuvent être sous-estimées et le des urines hématiques entraîner une surestimation). Le dosage automatisé plus spécifique de l'albumine est habituellement réalisé par précipitation avec une détection par néphélémétrie ou turbidimétrie.
Le recueil des urines de 24h s'avérant être fastidieux, il est largement remplacé par le dosage sur échantillon avec un rapport Uprot/Ucréat qui tient compte de la concentration urinaire (l'élimination de la créatinine est excrétée certes proportionnellement à la masse musculaire mais de façon relativement constante sur la durée du nycthémère).
La présence de protéines en faible quantité (< 0.08 g/j au repos) est "normale". Lors de la découverte d'une protéinurie, à la bandelette confirmée par dosage automatisé (ou directement), il faut définir une stratégie pour distinguer les causes bénignes des causes fréquentes (diabète sucré) et les causes rares mais plus graves (glomérulonéphrites, gammapathies monoclonales). Une protéinurie pathologique est définie quantitativement par une excrétion journalière supérieure à 0.15 g/j (0.30 au 3ème trimestre de grossesse) ou la présence de protéines normalement absentes dans l'urine. Il faut être précis au niveau de la revue de prescription. Le dosage d'albumine urinaire est souvent désigné par les cliniciens comme microalbuminurie, qui correspond à une concentration faible d'albumine dans les urines adaptée aux méthodes immunologiques automatisées. Elles permettent de quantifier des concentrations d'albumine très faibles ( jusqu'à 0.005 g ou 5 mg/l selon l'unité choisie par le laboratoire). Il s'agit du marqueur de choix de l'atteinte glomérulaire dans des pathologies telles que le diabète et l'HTA. En cas de protéinurie non glomérulaire et/ou non sélective, c'est le dosage des protéines urinaires "globales" qui doit être privilégié.
L'enjeu est d'explorer toute protéinurie potentiellement grave afin d'identifier le risque de maladie rénale. Il est aujourd'hui admis que la classification de l'insuffisance rénale (en 5 classes) doit inclure la ptotéinurie ou l'albuminurie dans la néphropathie diabétique en plus du DFG pour stratifier le risque et organiser le suivi (Cf tableau KDIGO 2012 du CKD work group). Le dépistage précoce par la détermination du rapport albuminurie/créatininurie (RAC) permet une meilleure prise en charge et une ralentissement de la progression de la maladie rénale chronique, mais aussi de la maladie causale. Selon les dernières recommandations de la HAS, l'albuminurie doit être dosée a minima une fois par an comme la créatininémie dans le cadre des maladies rénales chroniques, du diabète de type 2, de l'HTA, de traitement néphrotoxique ou pour tout patient à risque. Pour les protéinuries non majoritairement constituées d'albumine, il faudra privilégier le rapport protéinurie/créatininurie (RPC).
Dans tous les cas, la collaboration entre le clinicien et le biologiste est essentielle pour donner aux patients les informations les plus adaptées au contexte clinique.

Ref : Revue de biologie médicale N°378 Mai-Juin 2024