Entre 4 % et 32 % des patients qui ont présenté des diarrhées du voyageur au retour de régions tropicales ou subtropicales, développent un syndrome de l’intestin irritable. Le fait que l’agent causal soit un parasite augmente le risque comparé à une infection bactérienne. Un lien préoccupant quand on sait que de 10 % à 40 % des voyageurs seront victimes de turista. Quelles sont les caractéristiques de ces patients ?
La prévalence d'un SII (syndrome de l'intestin irritable) est de 10 % à 12 % dans la population générale. Les facteurs déclenchants sont difficiles à identifier mais l'anamnèse suggère parfois un lien chronologique entre une infection intestinale initiale et l'apparition ultérieure de symptômes de SII amenant au concept de SII post-infectieux (SII-PI). Plusieurs études épidémiologiques ont montré que l'incidence du SII était plus élevée en cas de gastroentérites bactériennes antérieures. L'analyse de l'ensemble des séries publiées permet de conclure que 10 % à 15 % des SII définis selon les critères de Rome II, seraient en fait des SII-PI.
Une étude rétrospective a inclus 669 patients ayant voyagé entre 2009 et 2018, et présentant des symptômes persistants après un diagnostic de diarrhées aiguës du voyageur (DA). Un SII-PI est défini comme : 1/ la présence de manifestations gastro-intestinales persistantes ou récurrentes au-delà de 6 mois après un diagnostic de DA, 2/ une coproculture négative et 3/ une recherche de kystes ou de parasites négative. Sur les 669 patients avec un diagnostic de DA, 68 (10,2 %) ont développé un SII-PI (âge moyen : 33 ans, femmes 52,9 %). Les régions du monde les plus visitées étaient l'Amérique latine (29,4 %) et le Moyen-Orient (17,6 %), avec une durée médiane du voyage de 30 jours. Sur les 68 patients qui développaient un SII-PI, les trois quarts (75 %) étaient infectés par un parasite. Giardia duodenalis était le plus fréquemment détecté (83,3 %). La durée moyenne de persistance des symptômes était de 15 mois après le diagnostic et le traitement de la DA. Une analyse multivariée a montré qu'une diarrhée causée par un parasite est un facteur de risque indépendant de SII-PI (HR = 3, soit un risque triplé).
La chronologie des événements joue un rôle. La probabilité de voir apparaître un SII-PI au décours de l'infection est multipliée par 11 lorsque la durée de l'infection est de plus de 3 semaines comparée à une durée de moins de 7 jours. Le délai d'apparition est important avec un risque 4,2 fois plus important en cas de diarrhées infectieuses dans les 12 mois précédents et 2,3 fois plus important lorsqu'elles datent de plus de 12 mois. Le sexe féminin ou un terrain anxieux et/ou dépressif augmente le risque avec des HR respectifs de 2,2 et 1,5. L'agent causal de l'infection est déterminant. Une méta-analyse de 45 études (plus de 20 000 patients) a conclu à un taux de SII-PI plus élevé après une infection par parasite (42 %) que par bactérie (14 %).
La diarrhée peut être contrôlée par des anti-diarrhéiques (lopéramide, racecadotril). Des antibiotiques imidazolés peuvent s'utiliser en cas de prolifération bactérienne avérée et dysbiose intestinale. Le pronostic d'un SII-PI semble meilleur que celui du SII sans infections préalables. Il est aussi meilleur quand le syndrome infectieux a été aigu et de courte durée. A peine un cinquième des patients seront guéris à 5 ans. Au-delà de 5 ans, la persistance est statistiquement corrélée à l'existence concomitante de troubles psychiatriques.
En conclusion, cette étude rapporte que l'incidence de SII-PI est de 10 %, un chiffre qui concorde avec les données de la littérature. On retrouve également cette notion qu'un parasite accroît le risque par rapport à une bactérie. Un patient avec un SII doit être interrogé sur ces habitudes de voyage. Le mot d'ordre est la prévention par une information sur l'hygiène alimentaire. Bien connaître le profil de ces patients est important quand on sait que de 10 % à 40 % des personnes qui voyagent vont à un moment ou l'autre souffrir de turista.


Ref : España-Cueto S, Oliveira-Souto I, Salvador F, et al. Post-infectious irritable bowel syndrome following a diagnosis of traveller's diarrhoea: a comprehensive characterization of clinical and laboratory parameters. J Travel Med. 2023 Mar 6:taad030. doi: 10.1093/jtm/taad030. Epub ahead of print. Erratum in: J Travel Med. 2023 Mar 29; PMID: 3688

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