Après que le 117 ème congrès de l'Asociation Française d'Urologie ait mis en avant l'intérêt de traiter l'hypogonadisme masculin pour améliorer la qualité de vie, une autre étude internationale aborde le sujet sous un autre angle. Chez l’homme âgé, les relations entre les taux d’hormones sexuelles circulantes et la mortalité tant globale que cardiovasculaire sont à la fois complexes et controversées. Les études de cohorte prospectives ayant abouti à des résultats discordants, un essai randomisé, mené à double insu contre placebo, dit TRAVERSE (Testosterone Replacement Therapy for Assessment of Long-term Vascular Events and Efficacy ResponSE in Hypogonadal Men) a tenté de répondre aux interrogations actuelles.
Les taux sériques de DHT (dihydrotestostérone), de SHBG ( sex hormone-binding globulin), de LH (luteinizing hormone) et d’estradiol doivent-ils être pris en compte, au même titre que ceux de la testostérone pour affiner l’évaluation pronostique à long terme ? Autant de questions pertinentes quand l’on sait que toutes les formes galéniques de la testostérone, en particulier les formes orales et transdermiques, favorisent l’augmentation des taux sériques d’estradiol et de DHT sous l’effet de la 5 alpha-réductase.
Ces incertitudes sont à l’origine d’une méta-analyse qui repose sur une revue systématique de la littérature internationale menée jusqu’en mars 2024. N’ont été retenues que les études de cohorte prospectives menées chez des sujets âgés vivant au sein de la communauté, le suivi à long terme devant être d’au moins 5 ans. Les critères de jugement principaux ont été la mortalité, tant globale que cardiovasculaire, d’une part, et la fréquence des évènements cardiovasculaires majeurs (ECVM), d’autre part. Les facteurs de risque classiques (âge, indice de masse corporelle, statut marital, consommation d’alcool, tabagisme, activité physique, hypertension, diabète, créatinine plasmatique, rapport cholestérol total/HDL-cholestérol et traitements hypolipémiant) ont été pris en compte dans les calculs statistiques pour ajuster les résultats des 30 000 participants (255 830 sujets années) regroupant 11 études
Une méta-analyse appliquées aux données individuelles, a permis d’identifier des profils biologiques considérés comme à haut risque. Ainsi, des taux sériques de testostérone <7,4 nmol/L (<213 ng/dL), de LH >10 UI /L ou d’estradiol <5,1 pmol/L ont été associés à une surmortalité globale. Des taux de testostérone encore plus bas, en l’occurrence <5,3 nmol/L (<153 ng/dL) ont été associés à une surmortalité cardiovasculaire. Les taux élevés de testostérone endogène n’étaient pas associés à un surrisque de mortalité.
Les taux sériques bas de SHBG (reflétant une imprégnation androgénique suffisante) ont été associés, pour leur part, à une moindre mortalité globale au terme d’une comparaison interquintile ( hazard ratio ajusté [HRa], 0,85) avec des résultats comparables pour la baisse des évènements cardio-vasculaires.
Les basses concentrations sériques de DHT (< 0,59 nmol/L) ont également été associées à une surmortalité globale (HRa, 1,19). Il en a été de même pour la mortalité cardiovasculaire (HRa, 1,29) mais elle est également augmentée pour des concentrations hautes de DHT (>2,45 nmol/L)
Cette méta-analyse rigoureuse et sophistiquée souffre néanmoins de certaines limites qui tiennent à la nature des études, qui sont de fait observationnelles, et à leur hétérogénéité. Les interactions entre l’axe hypothalamo-hypophysaire, la fonction gonadique per se et diverses comorbidités, notamment l’obésité, modulent le risque en toute complexité, un écho aux diverses formes étiologiques de l’hypogonadisme dont le traitement ne saurait être univoque.
Après TRAVERSE, les questions demeurent car l’administration de testostérone à doses modérées sous forme de gel n’a pas eu d’incidence dans l’essai TRAVERSE sur le pronostic cardiovasculaire (mais sur une durée de seulement 22 mois). Les réponses reposent probablement sur la poursuite des investigations, la détermination de valeurs seuils pour le risque ou de concentration à atteindre, ainsi que sur l'amélioration et la standardisation des techniques de dosage de l’estradiol (faibles conentration chez l'homme), de la DHT ou encore de la SHBG.
Ref : JIM.fr 15/05/2024