Les troubles métaboliques classiques (obésité, HTA, dyslipidémies, etc...) sont fréquents chez les patients atteints d’un cancer. Au-delà du lien statistique, certains de ces troubles, comme c’est le cas de l’obésité, ont été associés à un risque plus élevé de récidive et une réduction de la survie globale chez les patients cancéreux. La résistance à l’insuline (RI), définie comme une diminution de la réponse à l'insuline, est l'un des principaux facteurs de dysfonctionnement métabolique dans l'obésité et le diabète de type 2. L’hyper-insulinémie chronique qui en résulte pourrait être potentiellement délétère chez les patients atteints de cancer, des études ayant suggéré un rôle oncogénique de l’insuline. Afin de confirmer et mesurer l’importance de l’insulinorésistance chez les sujets ayant un cancer, une équipe danoise a réalisé la première revue de la littérature couplée à une méta-analyse en se basant sur la méthode PRISMA (Preferred Items for Systematic Review and Meta-Analyses)et interrogeant les principales bases de données jusqu’à mars 2023.
Toutes les études évaluant la RI avec la méthode du « clamp euglycémique hyperinsulinémique », gold standard pour la mesure de la résistance à l'insuline in vivo, chez des patients adultes souffrant d’un cancer et comprenant un groupe contrôle de patients sains ont été incluses. Les auteurs ont exclu celles relatives à des patients diabétiques
La sensibilité à l’insuline a été exprimée en Rd (mg/kg/min), défini comme le taux d’élimination du glucose par l’organisme entier et reflète « la quantité de glucose exogène nécessaire pour compenser entièrement l'hyperinsulinémie tout en maintenant l'euglycémie ».
In fine, 15 études ont été retenues pour l’analyse les résultats ont été très parlants. L'élimination moyenne du glucose stimulée par l'insuline était de 7,5 mg/kg/min chez les sujets sains (n = 154) versus 4,7 mg/kg/min chez les patients avec cancer (n=187), lorsqu'ils étaient exposés au même taux d'insuline. La différence moyenne étant de - 2,61 mg/kg/min! Les auteurs relèvent que la RI mesurée en cas de cancer est de même magnitude que pour des patients insulinorésistants avec un diagnostic de diabète de 2.
Les mécanismes qui sous-tendent la résistance à l'insuline chez les patients cancéreux pourraient être liés : aux effets directs du cancer (sécrétion de facteurs favorisant l’insulinorésistance tels le TNF-alpha et l’IL-6 par la tumeur elle-même), à certains traitements qui favorisent l’hyperglycémie comme les anti-œstrogènes, le 5-fluorouracile ou encore les glucocorticoïdes ou encore à des facteurs de risque concomitants comme l’inactivité physique, le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, etc...
Les limites de l’étude sont néanmoins notés : le nombre relativement limité de patients, le manque de données concernant certains traitements type glucocorticoïdes ou encore le niveau d’activité physique (facteur majeur influençant la RI), une relative hétérogénéité entre les diverses études prises en compte.
Malgré ces limites, cette première méta-analyse sur le sujet suggère que les patients souffrant d’un cancer sont plus résistants à l'insuline que des patients indemnes de toute néoplasie. Le rôle central de la RI dans les dysfonctionnements métaboliques n’est plus à prouver. Ces troubles métaboliques étant des facteurs de mauvais pronostic dans de nombreux cancers, les auteurs proposent que la RI soit évaluée de façon systématique chez les patients atteints d’un cancer. Des méthodes plus simples comme l’indice HOMA (Homeostasis Model Assessment) pourraient être utilisées en pratique clinique. Agir sur la résistance à l’insuline par exemple par une intervention non pharmacologique, type activité physique, pourra-t-elle d’améliorer le pronostic des patients ? Seule la recherche permettra de répondre à cette question.
RÉF : Joan M. et coll. : Insulin resistance in patients with cancer: a systematic review and meta-analysis, Acta Oncologica, 2023 62(4):364-371. DOI: 10.1080/0284186X.2023.2197124