Une étude menée par des chercheurs de l’Institut Cochin met en évidence chez la souris une relation entre le plastique des boîtes utilisées pour le développement de l’embryon lors d’une fécondation in vitro et une altération de gènes du placenta impliqués dans les fonctions de détoxification, stress et inflammation.
La fécondation in vitro (FIV) n’est anodine ni pour l’enfant, ni pour la mère. Des risques ou effets collatéraux sont connus depuis longtemps : Anomalies lors de la grossesse et du développement de l’enfant avec en particulier des petits poids de naissance et risque accru d’hémorragies de la délivrance sont au premier plan … Une étude de 2022 en particulier, réalisée sur plus de 2,5 millions de femmes au Canada met en évidence une corrélation entre augmentation de la morbidité et mortalité maternelle et l’utilisation des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP). Ces anomalies sont attribuées au process d’AMP dans son ensemble sans qu'une cause particulière (stimulation, fécondation, incubation...) soit clairement identifiée. Avec cet article et selon les auteurs, c’est la première fois que l’on met en évidence une cause bien particulière.
Leurs interrogations partent du constat suivant : Les embryons séjournent cinq jours dans des boites en plastique sous huile alors que les perturbateurs endocriniens sont lipophiles, et ce au moment où se met en route le génome embryonnaire. Pourrait-il y avoir un impact de ce plastique sur le développement des embryons? Pour répondre à cette question, le groupe de recherche de l’Institut Cochin (équipe Inserm 1016) a réalisé des FIV chez des souris à partir de trois types d’embryons : les premiers ayant été incubés dans des boites en plastiques, les seconds dans des boîtes en verre fabriquées pour l’occasion, et les derniers par fécondation naturelle. Les grossesses ont été interrompues à 16 jours et le transcriptome des embryons a été étudié. L’expression des gènes était similaire pour les embryons issus de grossesse naturelle et ceux incubés dans des boîtes en verre. En revanche, concernant les embryons provenant de boîtes en plastiques des altérations massives de l’expression de certains gènes sont apparues au niveau du placenta. Ainsi, 1121 gènes étaient modifiés chez les embryons issus des boites en plastiques, ces gènes étant essentiellement impliqués dans des fonctions bien particulières : la détoxification, le stress et l’inflammation.
C’est la première fois qu’une étude rapporte un effet potentiellement nocif des boîtes en plastique utilisés dans les procédures de FIV et d’ICSI. Les étapes suivantes seront de déterminer si les effets de tous les types de plastiques et de verres donnent les mêmes résultats et de confirmer ces recherches chez l’Homme (sur des embryons humains donnés pour la recherche en comparant les transcriptomes au bout de quatre jours). Ces recherches qui se font sur des embryons donnés par les parents à la science sont très encadrées et sont autorisées par des comités d’évaluation à l’Agence de la biomédecine. Si ces résultats se confirment, il faudra probablement envisager de passer sur des boites en verre, qui ne sont pas très difficiles à produire, projette les auteurs. Des résultats d’autant plus cruciaux, alors que l’AMP gagne en puissance depuis la réforme de la loi de bioéthique en août 2021 et que l'information à donner aux couples doit être la plus complète et transparente possible.
Ref : Plastic used in in vitro fertilization procedures induces massive placental gene expression alterations. Franck Kouakou et al., EBioMedicine. 2023 Apr 22;91:104572.