Les gamma-glutamyl-tranférases (GGT) sont des enzymes retrouvées dans de nombreux organes dont les reins, ceux du tractus digestif notamment le foie, cet organe leur valant d’ailleurs leur notoriété. De fait, le dosage des GGT est souvent réalisée dans la cadre d’un bilan hépatique orienté dont la finalité est de détecter une certaine propension sinon à l’alcoolisme chronique, du moins à une alcoolisation régulière. Il faut toutefois rappeler qu’une augmentation significative des taux plasmatiques de GGT n’est pas synonyme d’alcoolisme, car leur activité peut être modifiée par les maladies hépatiques, qu’il s’agisse des hépatites, de la cirrhose ou encore des adénocarcinomes. Diabète, obésité, hyperthyroïdie ou encore insuffisance cardiaque peuvent être également en cause, de même que l’exposition à certains médicaments tels les anticonvulsivants, les contraceptifs, les hormones stéroïdiennes ou divers psychotropes, à titre d’exemples. Ce biomarqueur a donc la particularité d’un spectre d’anomalies plutôt large qui dépasse largement l’alcoolisme chronique où il est trop souvent cantonné. Quel pourrait être sa valeur pronostique en termes
de mortalité cardiovasculaire, par exemple ?
Une étude de cohorte prospective réalisée en Corée du Sud s’est penchée sur la question. Elle a inclus 512 990 sujets adultes qui bénéficiaient d’examens de santé effectués à intervalles réguliers au cours de la période 2002-2003. Le suivi a été assuré jusqu’en 2013. Le risque de décès d’origine cardiovasculaire a été estimé sous la forme de hazard ratios (HRs) calculés après ajustement en fonction des facteurs de confusion potentiels.
La variable GGT a été utilisée sous la forme de son logarithme naturel ou népérien (LogGGT) dans le but de simplifier les calculs et la présentation des résultats. Cette transformation a permis de mettre en évidence que chaque augmentation d’une unité de LogGGT était associée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire d’environ 30 à 50 %, le HRa étant en effet de 1,31 et les pathologies sous-jacentes suivantes étant impliquées selon la même relation : maladie hypertensive (HRa = 1,31), cardiopathies ischémiques (HRa = 1,29), accidents vasculaires cérébraux (AVC) toutes causes confondues (HRa = 1,29), infarctus du myocarde aigu (HRa = 1,30), insuffisance cardiaque (HRa = 1,48), AVC hémorragique (HRa = 1,42) ou ischémique (HRa = 1,27).
Les associations entre mortalité cardiovasculaire et LogGGT se sont avérées indépendantes du sexe et de la consommation d’alcool, mais elles ont été plus étroites dans les cas de figure suivants : sujet jeune (< 60 ans), absence d’HTA (PAS < 140 mmHg), activité physique élevée, indice de masse corporelle normal (<25 kg/m2) ou encore absence
d’hypercholestérolémie (cholestérol total < 2 g/l).
L’inclusion de la variable LogGGT dans les modèles prédictifs de la mortalité cardiovasculaire a amélioré leurs performances, comme en témoigne, en analyse de la courbe ROC (Receiver Operating Characteristic) dont l’AUC a augmenté significativement (+0,0020 ; p <0,001), tout particulièrement chez les sujets de moins de 60 ans sans HTA.
Cette étude de cohorte de grande envergure révèle la face cachée d’un biomarqueur en général utilisé dans le dépistage de l’alcoolisme chronique. Au sein d’une cohorte constituée en Corée du Sud, il s’avère que l’élévation des taux de GGT est associée à une augmentation de la mortalité imputable à la maladie cardiovasculaire et à ses divers phénotypes cliniques. Les GGT semblent à même d’améliorer la prédiction de la mortalité cardiovasculaire si on les associe aux facteurs de risque conventionnels, notamment chez le sujet d’âge < 60 ans a fortiori en l’absence d’HTA. Ces résultats méritent d’être confirmés au sein de cohortes plus diversifiées, constituées dans les pays occidentaux, par exemple.
REF : Yi SW et coll. : Gamma-glutamyl transferase and cardiovascular mortality in Korean adults: A cohort study. Atherosclerosis. 2017; 265: 102-109.